Du Fass 57 au Fass 90
Bonjour,
En juillet 1984, le premier-lieutenant Vonlanthen m’a remis, au dessus d’un drapeau suisse, mon arme personnelle, un fusil d’assaut modèle 1957 (en apprendre plus là : http://fr.wikipedia.org/wiki/Stgw_57/Fass_57 ). En prenant cette arme de guerre (pléonasme ?, arme de chasse, arme de sport, c’est une arme un point c’est tout) en mains, j’ai senti – gamin que j’étais – une grande fierté et une grande responsabilité. Grande fierté que mon pays me fasse assez confiance pour me confier une arme aussi destructrice (rappelez-vous le but des armes, c’est tuer, le reste, c’est du bla-bla) et grande responsabilité parce que, justement, c’était une arme, pas une gamelle ou une paire de godasses.
Ce fusil, je l’ai détesté mais je l’ai aussi beaucoup apprécié. Ça va en faire rire quelques uns (riez, c’est un luxe que nous avons dans ce pays) mais je pouvais m’imaginer avoir à défendre mon bled – ou un bled suisse – avec ça terré dans un trou face à une horde de … (mettez-là ce que vous voulez). Heureusement, nous n’avons pas eu à expérimenter ça (il ne faut jamais dire jamais, sans entrer dans un trip survivaliste, je pense qu’il y a quelques indicateurs qui passent du vert à une couleur s’approchant de l’orange). Rappelons-nous de la Yougoslavie, la guerre à deux heures de la Suisse, dans un pays qui donnait de bons signes de civilisation.
Parenthèse, je me rappelle avoir lu une fois un poème écrit par un mitrailleur de la Mob 14-18 et qui rendait un bel hommage à sa mitrailleuse, sa mitr qu’il appelait sa gueuse. En gros, il la serrait dans ses bras continuant à dégommer l’ennemi alors qu’il succombait à ses blessures. Là aussi, ça peut paraître con (encore un luxe que la Suisse vous offre) mais je ne me permettrai pas de critiquer ces gars qui ont fait tous ces jours de mobilisation (ni les femmes à la maison avec les gosses et pas d’allocations pour perte de gain).
Bref, mon Fass 57, j’en avais une bonne maîtrise et je pense – en paiement de galons puis en cours de répétition – avoir formé quelques soldats à son utilisation efficace.
Sergent, dans un de mes derniers cours de répétition, mon Fass 57 m’a été échangé pour une arme moderne, le Fass 90 ( http://fr.wikipedia.org/wiki/SIG-550 ). Je me suis retrouvé moins formé et moins habile que les jeunes soldats qui sortaient de l’école de recrues et qui avaient pratiqué cette arme pendant 17 semaines.
Bon, alors on fait quoi. Ben, on écoute, on apprend, on se forme et on maîtrise.
Actuellement, pour pas mal d’enseignants, l’arrivée d’un outil informatique personnel de l’élève est considéré comme au moins aussi dangereux pour leur autorité (leur prestige) que le changement de fusil pour un sergent qui connaissait ce « Sturmgewerh » sur le bout des doigts. On survit mais il faut de la formation. Cette formation, des collègues sont là pour vous la donner. Je suis là pour vous la donner.
PS. Si vous n’avez jamais tiré de grenade à fusil en trajectoire tendue avec un Fass 57 (j’ai vu un colosse se péter les deux poignets avec ça), vous ne savez pas ce que c’est que le recul. La première fois, mon Fass 57 m’a échappé des mains. Ensuite, je me suis amélioré et à l’école de tir à Walenstadt (servant dans une compagnie d’application pour la formation des capitaines), ça ne me posait plus de problème.
Votre iPad, l’iPad de vos élèves, c’est la même chose mais c’est prévu pour apprendre, pour progresser, pour grandir.
L’illustration ci-dessous est tiré du « Soldatenbuch » (livre du soldat) que mon père, comme les autres militaires suisses des années cinquante et soixante, avait reçu. Le texte, sur le côté, dit : « Si tu ne le touches pas, c’est lui qui va t’atteindre ». Ça a le mérite d’être clair.
Pour l’outil informatique personnel de l’élève, c’est tout de même différent. Je dirais, en pensant à l’enseignant : « Si tu ne connais pas cet outil, tes élèves eux le connaissent ! »
Bien à vous !



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